Les maladies ophtalmiques touchent malheureusement de nombreux chevaux. Elles sont variées (uvéites, cataractes, conjonctivites...) et peuvent avoir de lourdes conséquences sur le pronostic sportif de votre monture. Cet article a pour but de vous éclairer sur les solutions juridiques qui existent lorsque vous achetez un cheval atteint d’une pathologie ophtalmique.
Visite vétérinaire et contrat de vente à faire avant l'achat de votre cheval
La première étape afin d’éviter de mauvaises surprises, est évidemment de faire réaliser une visite vétérinaire préalable à l’achat. En effet, un examen des yeux est systématiquement réalisé par les vétérinaires lors de la visite dite clinique.
Il est également recommandé de rédiger un contrat de vente (même basique) afin d’avoir un document signé des deux parties contenant quelques informations de base sur la vente :
- coordonnées du vendeur,
- prix du cheval,
- date de la vente,
- usage souhaité du cheval etc…
Des modèles de contrat sont disponibles en ligne. Vous pouvez également vous rapprocher d’un avocat afin de faire rédiger un contrat qui corresponde aux spécificités de votre cheval et votre pratique envisagée.
Solutions juridiques en cas de maladie ophtalmique de votre cheval
Ce n’est pas parce que vous avez acheté un cheval sans visite vétérinaire et sans contrat de vente qu’il n’existe pas de solution juridique à votre problème. Concrètement, que faire si vous achetez un cheval et que vous vous rendez-compte, postérieurement à l’achat, que votre cheval est atteint d’une maladie ophtalmique ?
Mon cheval a une uvéite
Tout d’abord, il convient de dissocier l’uvéite des autres pathologies. Pourquoi ? Parce l’uvéite est qualifiée de vice rédhibitoire par l’article R 213-1 du Code rural et de la pêche maritime :
"Sont réputés vices rédhibitoires et donnent seuls ouverture aux actions résultant des articles 1641 à 1649 du code civil, sans distinction des localités où les ventes et échanges ont lieu, les maladies ou défauts ci-après, savoir :
1° Pour le cheval, l'âne et le mulet :
a) L'immobilité.
b) L'emphysème pulmonaire.
c) Le cornage chronique.
d) Le tic proprement dit avec ou sans usure des dents.
e) Les boiteries anciennes intermittentes.
f) L'uvéite isolée.
g) L'anémie infectieuse des équidés."
Il est donc possible de solliciter l’annulation de la vente sur le fondement de la garantie légale des vices rédhibitoires si votre cheval est atteint d’uvéite.
Attention aux délais : vous n’avez que 30 jours à compter de la livraison du cheval pour solliciter l’annulation de la vente si votre cheval est atteint d’uvéite.
Mon cheval a une autre pathologie que l’uvéite
Là aussi, plusieurs recours juridiques s’offrent à vous. Ces recours peuvent également être invoqués en cas d’uvéite :
- Le dol (article 1137 du Code civil) : il s’agit du cas où le vendeur vous a délibérément caché l’existence d’une pathologie ophtalmique lors de la vente, et ce afin d’obtenir votre consentement. Pour pouvoir solliciter l’annulation de la vente, il convient de réussir à démontrer :
- Que la pathologie est antérieure à la vente ;
- Que le vendeur avait connaissance de cette pathologie et a dissimulé intentionnellement l’information.
Le fondement du dol permet de réclamer, en sus du prix de vente du cheval et de tous les frais d’entretien, des dommages et intérêts.
- La garantie légale des vices cachés (articles 1641 et suivants du Code civil) : ce fondement légal vous permet de solliciter l’annulation du prix de vente si vous réunissez deux critères cumulatifs :
- La pathologie doit être antérieure à la vente ;
- La pathologie doit rendre le cheval impropre à l’usage auquel on le destine, ou diminuer tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix.
Le délai pour agir est de deux ans, à partir du jour où vous vous êtes rendus compte de l’existence de la pathologie.
Information importante : la garantie légale des vices cachés s’applique, peu importe que le vendeur ait eu connaissance ou non de l’existence de la pathologie.
- Pour les ventes conclues entre un professionnel et un amateur et avant le 1er janvier 2022, la garantie légale de conformité (article L217-3 du Code de la Consommation) : si le vendeur délivre un équidé qui n’est pas conforme à l’usage escompté, l’acheteur peut demander l’annulation de la vente et le remboursement du prix de vente.
Le délai pour agir est de deux ans à compter de la livraison du cheval. Le défaut qui apparait dans un délai de 12 mois après la vente est considéré comme existant au jour de la vente.
Il existe donc plusieurs fondements juridiques qui peuvent vous permettre de vous retourner contre le vendeur du cheval, qu'il soit professionnel ou non.
Bon à savoir : certains propriétaires ne souhaitent pas annuler purement et simplement la vente et souhaitent seulement obtenir une réduction du prix de vente. Cette option est offerte à l’acheteur qui souhaiterait conserver son cheval malgré sa maladie.
Mon cheval est atteint d’une maladie ophtalmique, que dois-je faire ?
Si vous achetez un cheval et que vous vous rendez-compte que votre cheval est atteint d’une maladie ophtalmique, il convient de faire venir rapidement votre vétérinaire afin qu’il procède aux soins nécessaires et qu’il date l’apparition de la pathologie.
Ensuite, si votre situation semble être couverte par l’un des fondements évoqués ci-dessus (vice rédhibitoire, dol, vice caché ou garantie légale de conformité), vous devez rédiger un courrier de mise en demeure, en sollicitant l’annulation de la vente et le remboursement du prix de vente (ou la réduction du prix de vente si vous souhaitez conserver le cheval), accompagné du compte rendu vétérinaire, attestant que la maladie est antérieure à l’achat du cheval.
Vous pouvez naturellement pour rapprocher d’un avocat afin d’effectuer cette démarche.
En pratique, nombreux sont les vendeurs qui ne donnent pas suite aux mises en demeures. Et pourtant, la jurisprudence prouve qu’ils sont régulièrement condamnés à devoir rembourser leurs acheteurs.
Les procédures peuvent être longues et couteuses, mais la vie d’un cheval atteint d’uvéite, de kératite ou d’une autre maladie du même type également… Certains propriétaires sont contraints de souscrire des emprunts pour pouvoir soigner convenablement leurs chevaux. Dans certains cas, une opération des deux yeux est nécessaire et le coût peut avoisiner les 10000 euros.
Si vous avez acheté un cheval atteint d’une maladie ophtalmique, n’hésitez pas à prendre contact avec un avocat spécialiste du droit équin afin d’évaluer les recours juridiques qui existent et vos chances de succès. Cette procédure pourrait, en cas de succès, vous permettre de financier les soins de votre cheval (ou de vous les faire rembourser).
Article rédigé par Nina Latour, Avocate - droit équin